Jean Jacques
ROUSSEAU
Les Confessions.
PISTES D'ETUDESQuelques pistes d'études proposées par Yvon JOSEPH-HENRI
Ce qu'il faudrait peut-être compléter par rapport à ce que j'ai lu pour l'heure sur différents sites.
A. La dimension historique : l'argent au XVIII siècle et par rapport à Rousseau.
Il me paraît important que les élèves aient des repères concernant le XVIII siècle. Je ne doute pas que chacun de nous, en tant que prof leur donne ses repères. Encore faudrait-il insister sur un certain nombre de détails, à relier pour chaque prof avec les textes du XVIII étudiés.
Ainsi, je suis frappé, à la lecture du livre 1 des confessions par les écarts voire les divergences entre certains aspects du XVIII siècle et Rousseau.
Par exemple, l'argent. Il emplit le XVIII siècle transformant ce qui avait déjà commencé de manière plus ou moins rampante au XVII siècle. Qu'on se souvienne par exemple du Bourgeois Gentilhomme de Molière. Voilà un homme qui a le pouvoir de l'argent : il lui manque le reste, le pouvoir de la caste, ou de la classe. Mais si dans la littérature du XVII siècle, il ne peut accéder à la noblesse, et si on se rit de lui. Ce deviendra chose faite au XVIII siècle. Lire à ce sujet les pages de Turcaret de Lesage, celles de Manon Lescaut ou encore les allusions aux tables de financiers dans le Neveu de Rameau. Ajouter la mise en place de la première banque, sa banqueroute, la mise en place de la bourse (interdite aux femmes !)
Tout ce mouvement, politiquement, et sociologiquement trouve un écho chez Voltaire, qui réclame depuis l'Angleterre que l'on réforme la société française sur le modèle de la société anglaise en faisant la place qu'ils méritent aux négociants puisqu'ils enrichissent le pays et font le bonheur de la société.
Or, face à ce mouvement de la société, que trouve-t-on chez Rousseau, et particulièrement au livre I ?
" Ajoutez qu'aucun de mes goûts dominants ne consiste en choses qui s'achètent. Il ne me faut que des plaisirs purs, et l'argent les empoisonne tous. "
" J'aime les seuls biens qui ne sont à personne qu'au premier qui sait les goûter. "
" Jamais l'argent ne me parut une chose aussi précieuse qu'on la trouve. Bien plus, il ne m'a même jamais paru fort commode; il n'est bon à rien par lui-même, il faut le transformer pour en jouir; il faut acheter, marchander, souvent être dupe, bien payer, être mal servi. Je voudrais une chose bonne dans sa qualité ; avec mon argent je suis sûr de l'avoir mauvaise. J'achète cher un oeuf frais, il est vieux, un beau fruit, il est vert; une fille, elle est gâtée. J'aime le bon vin ? mais où en prendre ? Chez un marchant de vin ? Comme que je fasse, il m'empoisonnera. Veux-je absolument être bien servi ? que de soins, que d'embarras ! avoir des amis, des correspondants, donner des commissions, écrire, aller, venir, attendre; et souvent au bout être encore trompé. Que de peine avec mon argent ! Je la crains plus que je n'aime le bon vin. "
(pp.69-70 pour ceux qui disposent des éditions folio classique, mais il ne s'agit nullement d'une publicité, je travaille sur une édition du net et sur celle de la Pléiade!)
Manifestement Rousseau refuse l'argent. Toutes les inversions (il cherche une bonne chose, il obtient une mauvaise par l'argent, l'amour vénal n'est pas amour) traduisent bien son sentiment de ce que l'argent corrompt le désir ou du moins que le désir ne peut se résoudre en acte libre, direct.
Bien entendu, comment ne pas penser que Rousseau s'identifie, dans ce comportement au " bon " sauvage , celui qui vivait avant la civilisation et le progrès et surtout le travail ?
Est-il si anodin que ce passage sur l'argent se situe dans le prolongement de ses apprentissages? Dans la suite de la découverte de cette corruption dans laquelle tombe Rousseau sous l'effet d'un mauvais maître, sous l'influence néfaste d'une société qui ne lui permet que de vivre " en vrai loup-garou ". [L'homme est un loup pour l'homme !].
Il serait aussi instructif de reprendre par le détail la suite des dégringolades de Rousseau depuis son départ de Bossey : les femmes et la perfide Mlle Vulson; le mensonge, le vol, liés au désir clandestin parce que réprimé, enfin la nécessité de voler pour survivre, ou de s'évader par les livres que l'on achète de manière boulimique. " La convoitise et l'impuissance mènent toujours là [à cacher, dissimuler, mentir et dérober]. Voilà pourquoi tous les laquais sont fripons, et pourquoi tous les apprentis doivent l'être; mais dans un état égal et tranquille, où tout ce qu'ils voient est à leur portée, ces derniers perdent en grandissant ce honteux penchant. ".
Ainsi, l'état, la condition sociale fait l'homme moral ou immoral.
Par un détour qui marque sans doute sa différence vis-à-vis de l'époque, Rousseau n'est-il pas au fond en train de rejoindre toute l'analyse critique de l'argent au nom de la morale, qu'une certaine littérature éclaire d'une lumière brutale ? Certes, il ne s'agit pas forcément pour lui de revenir à une structure sociale où le financier restait à la place que lui assignait son peu de manières. Rousseau ne pose pas le problème en ces termes mais plutôt en terme d'état social ou d'état primitif avec l'arrière pensée d'un état de paradis où l'homme est libre et heureux, où il vit d'entretiens librement établis parce que ses besoins sont limités. Dès lors qu'il s'agit d'entrer dans la société, il faut travailler, il faut donc devenir esclave et accepter de risquer de perdre toute morale.
[ Ces quelques lignes sont évidemment outrées. Que d'autres les amendent. Il me semble aussi qu'il serait intéressant de s'interroger sur Rousseau et les événements de son temps. Quel écho dans les Confessions ? Que peut-on en tirer ?]
B. La Structure du livre Ier des Confessions, les personnages.
- Quelles citations ?
- Les grands moments / au reste . Qu'est-ce qui rend difficile l'acquisition des élèves ? Comment éclaircir pour eux ces temps ? Comment en même temps leur faire prendre conscience de ce que l'oeuvre de Rousseau se déroule selon plusieurs axes simultanés. Bien sûr, il y a un axe chronologique, mais il ne doit pas cacher les autres motivations de l'auteur. Ainsi, il y a l'écrivain et son oeuvre, avec la conscience de ce qu'il écrit, il y a aussi le philosophe qui se situe au coeur d'une oeuvre dans laquelle il devient cette fois celui qui donne [son] corps à la théorie. Comment expliquer ce transfert d'un homme qui en vient à illustrer ses théories ?
Comment aussi ne pas lier plus étroitement les Confessions de Rousseau à l'aveu d'une faute originelle ? On a souligné le caractère paradisiaque de ce Livre I des Confessions et , après une sorte de descente " dantesque "(le mot convient-il ?), la fermeture des portes. On a souligné aussi la culpabilité de J.J. vis à vis de la mort de sa mère et le poids de cette mort. Comment ne pas aussi noter la substitution du rang de second à celui de fils unique? Ce qui est frappant -et passionnant justement- c'est l'ambiguïté des sens que l'on peut donner aux mêmes choses définies à travers le propre regard de Rousseau. On peut en effet tout à fait trouver un sens qui relie ce fils qui tue sa mère, à cet homme qui aime à être battu par une femme. Mais en même temps, Rousseau s'attache à aussi marquer une sorte de détachement à l'égard de cette interprétation en situant aussi ce qu'il est devenu à l'expérience du vécu. Dès lors il ne saurait y avoir une seule interprétation, celle d'un homme coupable comme Adam et Eve, fruit de leur amour mais meurtrier de sa mère qui s'en va à l'aventure; il faut aussi admettre que le texte de Rousseau cherche aussi à dépasser le cadre purement intime pour se transformer en fable de la société.
Dès lors, on peut considérer que Rousseau, s'il s'écarte de ses contemporains, reste aussi des leurs par sa réflexion sur l'homme et sa nature sociale.
Autre point qui mériterait d'être approfondi : les portraits qui apparaissent dans le livre I. Il me semble que Rousseau évoque plus l'influence, ou le portait moral des personnages qui l'accompagnent au long de son entrée dans la vie que leurs caractéristiques physiques, ou leurs habitudes de vie. C'est sans doute la marque de l'intérêt particulier qu'il leur porte : non pas pour faire rêver un lecteur à l'apparition d'un personnage de roman, mais pour le sens qu'ils donnent à sa pensée, à son oeuvre.
C.Des sujets de dissertation.D. Des lectures méthodiques
Voici l'extrait commenté proposé: Bossey / La fessée
E. Enfin, la peinture de Rousseau
-> Quelle image Rousseau donne-t-il de lui ?
-> La question mérite d'être posée car en réalité on se rend bien compte que transparaît une peinture de Rousseau. Doux, tendre, aimant -il le dit lui-même directement-; pudique (" indiscrètement ", 2), passionné, d'une imagination qui déjà conditionne sa vie (la peur de la punition parce qu'elle est nouvelle et donc parle à son imagination; l'utilisation des " belles personnes " transformées en demoiselles Lambercier<=> c'est le même processus que dans la construction de ses personnages de la Nouvelle Héloïse . La fierté de ses qualités quant elles témoignent de son rapport aux autres : " car tel est en moi l'empire de la bienveillance, et même de celle que les sens ont fait naître, qu'elle leur donna toujours la loi dans mon coeur.
-> On gagnera à montrer que ce moi de Rousseau est une peinture d'un être immuable, parce que Rousseau cherche peut-être au-delà de ce qu'il a pu être dans sa diversité, à réunir ce qui fait son unité.
Merci de votre indulgence pour ce travail vite fait mais qui mérite d'être repris et amendé.
Remarques proposées par
Yvon JOSEPH-HENRI
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